Fabien Dendiével
INTERCALAIRES
Urbanisme culturel et résidence photographique
La Fenêtre, centre d’art dédié aux arts appliqués et à la valorisation des divers champs disciplinaires et créatifs liés à la fabrique de la ville, et l’association AREA (Association Recherche Éducation Action) qui mène un projet d’accompagnement social global et de recherche-action sur les bidonvilles de l’Hérault, s’associent de nouveau, cinq ans après l’exposition commune « Du Bidonville à la ville, exister, circuler, travailler ».
Les deux structures souhaitent croiser les regards sur une nouvelle problématique, celle de l’habitat intercalaire dans le contexte de réponse à de situations humaines de grande fragilité.
Pour cela, elles sollicitent différents partenaires, d’autres associations luttant contre la précarité et l’exclusion, des architectes et un photographe-auteur, pour que, collégialement, et à partir de situations concrètes existant sur le territoire héraultais, soient questionnés et contextualisés les enjeux et réalités de ces projets dits « d’habitat intercalaire ».
Sur quels critères et les sites sont-ils repérés et mis à disposition par les bailleurs publics ou privés ? Quels impératifs doivent être respectés pour assurer un accueil digne ? Quelles sont les limites de la résilience des bâtiments ?
Les lois ALUR 1 (2014, « pour l’accès au logement et un urbanisme rénové»), et ELAN 2 ( 2018, « évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ») cadrent juridiquement et favorisent la mise en place de conventions d’occupation temporaire de bâtiments vacants, comme l’installation de forme légères d’habitation.
La ville de Montpellier s’est particulièrement engagée dans ces actions, mettant, dans un premier temps en 2020, des locaux à disposition du collectif Luttopia, fondateur et intervenant au squat des anciennes archives départementales depuis 2014. De nouveaux projets ont suivi, portés par des organisations comme le Secours Catholique ou Médecin du Monde, ou des associations telles d’AREA.
Pour l’ensemble de ces acteur·trice·s, la dimension autogestionnaire et d’encapacitation des habitant·e·s est fondamentale, et aboutit à la mise en place de système collégiaux et participatifs de gouvernance et d’usages.
Le projet a pour objectif concret de concevoir et produire une exposition, présentée à La Fenêtre en octobre 2023. Au-delà de cette perspective, s’engage un processus de co-construction et de mise en lien de plusieurs écosystèmes, celui du travail social et celui de la culture, de l’urbanisme et de l’architecture, de l’action publique et de l’aménagement du territoire.
La Fenêtre et AREA ont pris l’initiative de proposer à Fabien Dendievel une résidence photographique étroitement associée à leur projet.
Fabien Dendiével est montpelliérain, photographe de l’architecture et des espaces urbains. Il a notamment collaboré avec Kodak, Condé NAst, Domestika ou Der Spiegel, a été publié dans des magazines en France et à l’étranger et exposé à Paris et à New-York.
Très récemment, il a été choisi avec quatre autres photographes par le nouveau programme ANRU pour poser son regard sur des quartiers en réhabilitation.
Si les espaces vides et compositions dépouillées sont ses exercices favoris, si les travaux qu’il met en avant sont souvent quasi déshumanisés, Fabien Dendievel photographie aussi celles et ceux qui habitent les espaces, mais il a pris le parti, jusqu’alors, de ne pas le donner à voir.
En intégrant cette résidence artistique, il entend revisiter ce choix.
Sur un temps long (environ une année, organisée autour d’une série de séjours sur les sites d’exploration), en lien avec les différents partenaires, il lui est proposé d’interroger à la fois son propre rapport à la représentation des personnes, mais aussi celui des autres parties prenantes, travailleur·se·s sociaux·les, usager·ère·s, et de se confronter aux écueils d’un tel exercice, la photographie dite « sociale » étant souvent frappée d’anathèmes (voyeurisme, misérabilisme, essentialisme …).
Ces séjours « en immersion » viendront sans doute suspendre, surprendre le photographe, l’amener à trouver d’autres modes opératoires, d’autres façon de fabriquer des images, en écho à celles qui lui seront proposées, voire même mobiliser d’autres media que la photographie pour donner la parole aux habitant·e·s de « l’intercalaire ».
Photos : © Fabien Dendiével